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Témoignages de biographes

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Témoignages de biographes

Pour ce dossier consacré à la biographie, Agréâge donne la parole à ses membres biographes et écrivains publics.

Merci à Aline Jeanne, Myriame Albert et Corinne Leguay Boisbluche d’avoir partagé avec nous ce qu’est un bon biographe et les bons moments de leur métier.

Quelles sont les qualités d’un bon biographe ?

AJ : Savoir écrire, certes. Mais pour moi, la priorité est la capacité d’écoute qui est également la capacité à rebondir sur un sujet, à entendre les non-dits. Pour cela il faut de la patience. Les personnes qui se racontent ont vécu, elles ont une certaine philosophie de vie. Elles ne sont plus dans l’urgence de la jeunesse, et savent laisser du temps au temps. Être biographe, c’est aussi prendre le temps.

MA : Un biographe doit faire preuve de patience et d’écoute bien-sûr ! Je dirais que la diplomatie est importante pour faciliter l’expression des souvenirs. Il faut aussi qu’il soit organisé tout au long de son travail. Il doit bien encore être ouvert d’esprit pour bien comprendre son interlocuteur et faire preuve d’éthique car une relation très particulière se noue dans cette activité.

CL : Le biographe doit être à la fois écrivain, historien, artiste visuel (photographe) psychologue et parfois même élève ! Car l’échange est souvent à sens unique : il faut de la patience, du vécu, de l’organisation et énormément de sensibilité humaine et artistique pour percevoir et comprendre les non-dits au travers des vies toujours très différentes d’une personne à l’autre.

Pourquoi faire appel à un professionnel plutôt que d’écrire soi-même ou avec un membre de sa famille ?

MA : On peut savoir écrire mais pas forcément rédiger. Le biographe, lui travaille avec méthode pour organiser la biographie de façon chronologique, thématique … Il saura bien identifier des périodes des dates clés et choisir le ton de la rédaction. L’habitude du biographe lui permet de mener les entretiens autour de questions clés. Cela aide beaucoup à reformuler, étayer, exprimer des émotions, faire ressurgir des souvenirs.

AJ : Spontanément, on a tendance à écrire dans l’ordre chronologique. On force sa mémoire sur une période de vie. La mémoire ne fonctionne pas si simplement. Elle rebondit d’une idée à l’autre, et peut aller du passé proche au passé lointain, en un instant. Il faut se montrer souple sur ce va et vient, pour en tirer le plus grand profit. Un narrateur peut se montrer très pudique parfois. Souvent, certaines périodes de vie sont “tabous” et cadenassées par l’inconscient. Il faut, d’une part avoir suffisamment de recul pour aborder ce genre de sujet de façon neutre, mais aussi avoir suffisamment d’expérience pour savoir contourner les blocages. 

Un sujet ‘tabou’ n’apparaîtra pour autant pas forcément dans le livre final si le narrateur ne le souhaite pas. Mais la libération de cette parole, peut permettre l’accès à d’autres thématiques que nous n’aurions peut-être pas vues sans cela.

CL : Un professionnel est forcément capable de distanciation à la fois émotionnelle et sentimentale ce qu’il est impossible de mettre en oeuvre lorsque l’on fait appel à la famille ou bien lorsqu’on décide de le faire soi-même. Il est d’ailleurs communément admis qu’un regard extérieur est souvent plus juste qu’un regard intérieur.

Avez-vous observé un changement des personnes avec qui vous travaillez au cours de vos échanges ?

MA : Oui, quand le passé est lourd, les personnes sont soulagées de pouvoir poser sur le papier un fardeau. Souvent, une forme de fierté et de sérénité nait de la transmission car cela permet  de matérialiser une expérience, un fait héroïque, ou tout simplement sa vie !

CL : Il arrive que le projet permette au biographé de surmonter une épreuve (maladie) ou de franchir une étape par rapport à son vécu. C’est une information qui me parvient souvent par l’intermédiaire d’un enfant du biographé. C’est ce que semble confirmer d’ailleurs l’apparition toute récente de biographes-hospitaliers : se raconter peut être bénéfique lors d’une épreuve.  Mais le motif principal de mes clients est surtout de transmettre à leur descendance des informations qu’ils auraient du mal à transmettre par un autre biais.

AJ : Lors des entretiens, le narrateur se livre sur son intimité, donc un lien privilégié se forme forcément.  Ce que je remarque surtout, c’est une détente qui apparaît souvent dès la deuxième rencontre, et qui est propice au dialogue. Quand elles se sentent en confiance, les personnes livrent plus facilement des sujets difficiles, avec parfois une impudeur qui les surprend eux-mêmes. L’écriture a une vertu libératoire. Il peut y avoir des sujets difficiles qui n’attendaient que cette occasion pour sortir, et qui libèrent alors le narrateur de tensions accumulées. Et puis, il y a parfois des découvertes quand le narrateur me décrit différentes parties d’une même histoire, mais qu’il n’avait peut-être jamais fait le rapprochement entre tous ces faits. Cela peut permettre de mieux comprendre certains évènements, en y mettant de la perspective.

Pouvez-vous nous raconter un mot ou un souvenir qui vous a particulièrement marquées ?

AJ : Un monsieur me parlait, lors de notre rencontre préalable, de sa carrière et de son métier avec une précision chirurgicale. Quand, je l’interroge sur son enfance et sa famille, il me décrit alors une histoire touchante avec son père étant enfant. Je vois alors, ce vieux monsieur redevenir enfant, et pendant qu’il parle le ton change et l’émotion monte. En une minute, le voilà qui pleure.  C’était un moment tellement intense dans sa vie que l’émotion était intacte. Toute la difficulté est alors de retranscrire cette émotion au plus juste lors de l’écriture. C’est important.

MA: pour ma part, je n’oublierai jamais cette personne qui m’a dit “depuis que nous nous voyons, je reprends vie”.

CL : Mes phrases préférées sont : « Il faut savoir donner mais pas à n’importe qui, il faut savoir à qui l’on donne pour ne pas gâcher la connaissance. »

« Vous avez su parler de l’essentiel au-delà des mots, bien plus que ce que j’ai pu vous raconter » c’est le compliment que m’a fait M. Marcel Derrien, ancien directeur de l’école Le Nôtre lorsque je l’ai emmené participer au prix littéraire de la gastronomie en 2019.

Avez-vous un conseil à donner à quelqu’un qui aimerait que son ascendant écrive sa vie ?

MA: Je leur conseillerais de lui faire rencontrer 2 biographes pour que la personne choisisse le biographe avec qui elle se sent le plus en confiance.  

AJ : Je conseillerai de ne pas tenter de convaincre, ne pas trop insister ! L’important, c’est de parler de vos émotions, de ce que vous en attendez, vous. Vos proches vous aiment, et ont à coeur de vous faire plaisir. Il faut leur montrer avant tout que cela vous fera plaisir et que sa place au sein de la famille, lui donne le droit de  transmettre aux les générations futures.  Ecrire un livre n’est pas le plus important. Le livre est ce qui restera mais le lien intergénérationnel tissé durant la réalisation de ce projet est tout aussi important.

CL : Il y a tellement de gens qui arrivent à la fin de leur vie avec des wagons de regrets dans le coeur, écrire son auto-biographie permet de vider le wagon et de laisser une trace indélébile dans le coeur des siens, à une époque où tout le monde cherche à mettre du sens dans sa vie.

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